Expertise et Valorisation
Archéologique

Mobilier métallique du Fort Saint-Louis

En janvier puis en juillet 2021, LandArc a étudié la collection de petit mobilier venant de la fouille du Fort Saint-Louis à Fort-de-France. Fouillé par l'Inrap en 2020, le site a livré de nombreux objets liés à l'armement (balles en plomb, boulets ou grenades), des accessoires vestimentaires miltaires ou civils (boutons et boucles) ainsi que des éléments de la vie quotidienne des XVIIe-XIXe siècles. 

Radiographies des deux bracelets d'entrave en fer (crédit LandArc)

La fouille archéologique du Fort Saint-Louis

Le projet de construction d’un nouveau bâtiment de logement au profit de la Base Navale de la Marine Nationale à Fort-de-France (Martinique) a engendré la réalisation d’un diagnostic archéologique puis d’une fouille préventive sur la superficie de l’ancien pavillon Hubert, représentant 745 m² de surface. Positionné sur le sommet d’un éperon rocheux, orienté nord-sud et dominant la baie de Fort-de-France, l’emprise du projet se caractérise par une assiette horizontale à une altitude d’environ 23 m au-dessus du niveau de la mer au cœur du fort Saint-Louis, ancien Fort-Royal. La fouille archéologique préventive a été dirigée par A. Coulaud (Inrap Nouvelle-Aquitaine & Outre-mer). Elle a permis de remonter sur les quatre siècles d’occupation militaire de l’une des fortifications les plus importantes des Antilles françaises.


Du Fort Royal au Fort Saint-Louis

L’histoire du Fort Saint-Louis commence en 1639 sous l’égide de Jacques Dyel Du Parquet, gouverneur et lieutenant général de la Martinique, qui décide de fortifier l’éperon rocheux s’avançant dans le Cul-de-Sac Royal appelé également la baie des Flamands, afin de défendre ce havre naturel. Le Fort-Royal est à l’origine une fortification de terre et de bois (fossés, palissades) concentré sur l’extrémité distale du relief et devient rapidement, par la volonté des gouverneurs généraux successifs et les subsides accordés par le Roi, un complexe militaire de premier ordre, siège de la garnison principale de l’île. La fortification fera l’objet d’attaques de grande envergure comme en 1667 par une escadre anglaise menée par Lord Henry Willoughby, et en 1674 par une force des Provinces-Unies menée par l’amiral Michiel de Ruyter composé d’une quarantaine de navires et près de 8 000 hommes. La fortification sera occupée à deux reprises par les troupes britanniques, lors de la Guerre de Sept Ans (1756-1763) puis lors des guerres de la Révolution et de l’Empire (1794-1817). Le fort servira de base logistique principale dans l’important appui militaire français aux insurgés continentaux lors de la guerre d’Indépendance américaine (1775-1783). Il recevra différentes appellations au cours du temps, d’abord « Fort-Royal » puis « fort Edward » sous les différentes occupations britanniques, « fort de la République » lors de la Révolution et enfin « fort Saint-Louis » sous la Restauration.


L'étude du mobilier métallique

Le petit mobilier récolté sur le Fort Saint-Louis a rassemblé 896 objets (1217 restes) pour un poids de 131 kg parmi lesquels on note 766 ferreux (85 %) et 94 objets en alliage cuivreux (10 %).

Ce mobilier se répartit au sein 12 catégories fonctionnelles qui rassemblent 496 éléments d’assemblage dont 479 clous (55 % de la collection), 94 objets liés à l’habitat/ameublement (10,5 %) ou encore 53 objets à valeur ornementale (6 %) ce qui représente 88,5 % de la collection. 110 objets ont pu être datés entre le XVIIe et le XXe siècle, soit 12 % de la collection étudiée. Ce sont les objets liés à l’échange et à l’armement, les ustensiles divers, le mobilier équestre et le mobilier à valeur ornementale qui apportent le plus d’arguments chronologiques avec un fort pourcentage d’objets datés. Très peu d’objets datés de la période la plus ancienne, entre la fin du XVIIe et le début du XVIIIe siècle, ont été identifiés (boucle d’éperon ou de botte, trois fragments de fers d’équidé et une clé). 48 objets peuvent être datés du XVIIIe siècle et 37 pour le XIXe siècle.


Outre la forte présence militaire qui semble logique et que l’on perçoit à travers deux catégories fonctionnelles : l’armement et le mobilier à valeur ornementale, il faut signaler d’autres activités qui se distingue grâce à certains objets singuliers. Ainsi, la présence de quelques outils agricoles comme une grande serpe et une houe suggèrent l’entretien régulier de la végétalisation sur et aux abords du fort, voire peut-être la mise en culture de certaines zones. Evidemment, de nombreux éléments liés à la construction et l’édification des bâtiments de casernement ont été prélevés sur le site : clous de diverses tailles, fragments de pentures et gonds de maçonnerie. Un pivot de porte également appelé « cul d’œuf » pourrait être un remploi venant d’un moulin à sucre. Plusieurs poignées de meuble en alliage cuivreux montrent la présence de petits meubles domestiques similaires à ceux que l’on rencontre couramment sur certains navires français. La découverte de deux bracelets d’entrave permet d’admettre que des prisonniers étaient détenus sur place. Enfin, des objets singuliers apparaissent comme les témoins de la vie quotidienne voire familiale sur le fort. A ce titre, la découverte de deux rasoirs « coupe-choux » à manche en os permet d’imaginer l’hygiène parmi les troupes et les officiers tandis qu’une roue de jouet et une branche d’ombrelle suggèrent la présence dans l’enceinte des femmes et enfants de militaires.


En dehors des nombreuses munitions récoltées sur le fort qui n'ont pas été intégrées à l'étude (boulets, boulets ramés, grenades, biscaïens et balles), d’autres objets renforcent la question des témoins militaires. 17 objets liés à l’armement et 19 objets à valeur ornementale appartenant au domaine militaire ont été découverts. Leur examen a permis d’identifier les troupes de passage ou en faction sur le Fort Saint-Louis à différentes périodes. La datation de tous ces éléments militaires correspond bien à l’installation des troupes françaises et britanniques qui se sont succédaient sur le site entre le XVIIIe et le XXe siècle. En effet, au cours de la 2ème moitié du XVIIIe siècle, le pavillon Hubert est occupé par les officiers français, et entre les années 1794 et 1817, ce sont les troupes britanniques qui en prennent possession. A partir des années 1820-1830, c’est un casernement d’infanterie de marine française qui dispose des lieux jusqu’en 1960.

Localisation du Fort Saint-Louis (crédit A. Coulaud, Inrap)

Vue aérienne du Fort Saint-Louis (crédit A. Coulaud, Inrap)

Ecaille de jugulaire de shako modèle 1821 (crédit LandArc)

Porte-baguette en alliage cuivreux du XVIIIe siècle (crédit LandArc)

Notre mission

Nous avons réalisé l’étude du mobilier métallique du site.
Elle comporte un catalogue raisonné associé à une synthèse organisée par catégorie fonctionnelle.
34 objets en alliage cuivreux et en fer ont été restaurés dont quelques monnaies, des boucles de chausse et des boutons.

  •     Inventaire et analyse des ensembles mobiliers
  •     Dessins et photographies des objets remarquables
  •     Restauration pour étude d’une sélection d’objets
  •     Synthèse générale par phase chronologique
  •     Suivi de l’étude en lien avec la rédaction finale du rapport

Fouille : 2020 (Alexandre Coulaud, Inrap Nouvelle-Aquitaine & Outre-mer)
Maitre d'ouvrage : Inrap

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